mercredi 7 octobre 2015

COMMENT ÉCRIRE LE NOM DES PLANTES ?


Ce qu'il faut retenir c'est que :
  1. Le nom du genre ("Dionæa" en l'occurrence) s'écrit toujours avec une majuscule et toujours sans "s" au pluriel. Considérez que c'est comme un nom de famille - on écrit les Dupont et non les Duponts... Il en va de même avec tous les taxons ("groupes") de rang supérieur au genre. Bref, tous les mots (taxons) d'un nom scientifique jusqu'au genre inclus portent une majuscule obligatoirement et tous ceux qui sont de rang inférieur sont en minuscule, c'est facile...
  2. La partie du nom qui correspond à l'espèce (ce que l'on appelle l'épithète) ne s'écrit JAMAIS AVEC UNE MAJUSCULE. Dans notre exemple c'est donc "muscipula". (Normal, c'est de rang inférieur au genre, cf. N°1)
  3. Le nom des variétés (ou des formes) sauvages non plus, ne prend JAMAIS DE MAJUSCULE. (Même remarque.) Ex. : Dionæa muscipula filiformis. est notre Dionée sauvage sous la forme à feuille très fine, "en forme de fil". Les puriste écrivent même Dionæa muscipula (Ellis) fo. filiformis. ("fo." est l'abréviation de "forma", évidemment "forme" en latin.)
  4. Le nom d'une variété de culture (cultivars) prend TOUJOURS UNE MAJUSCULE AU CONTRAIRE, c'est obligatoire car cela fonctionne comme un nom propre, pour ne pas dire une marque. C'est justement cela dans l'absolu qui permet de ne pas confondre.
  5. Le pire est qu'il reste d'usage en horticulture professionnelle de sélectionner un joli clone d'une variété sauvage intéressante et d'utiliser le même nom de variété mais avec une majuscule. Ce n'est pas une raison pour en rajouter une couche dans nos collections...
  6. Lorsque le cultivar provient d'une sélection à l'intérieur d'une seule espèce (pas d'hybride avec une autre espèce), le nom latin complet pourtant évident reste facultatif, ceci d'autant que la pureté de l'espèce n'est absolument pas garantie. Toutefois, cela reste appréciable pour le lecteur, qui peut avoir une idée de la plante sans la voir. Sarracenia "Tarnok" est donc tout aussi acceptable que Sarracenia leucophylla "Tarnok". Vous voyez que je n'ai même plus mis d'italique dans le premier cas puisqu'il ne s'agit plus de botanique mais d'horticulture. Dans la même idée, même le nom de genre pourrait perdre sa majuscule en devenant nom commun : un jardinier parle de ses daturas, albizias, etc. et pourrait parler de son sarracenia "Tarnok". J'ai parlé de Dionæa muscipula filiformis mais si un horticulteur en sélectionnait un cas particulier (plus beau, plus gros, etc.) il pourrait l'appeler dionée "Filiformis" ! Pour être honnête, la situation est un peu ambiguë car l'International Carnivorous Plants Society fait autorité officiellement et n'accepte plus le dépôt de nom latin pour des cultivars, justement pour éviter les problèmes. La dionée "Dentata" a ainsi été renommée "Sawtooth". C'est pour cela que le nom "Perimacrodentata" que j'avais proposé à Romuald Anfraix pour une dionée devenue célèbre avait été refusé. Il a déposé finalement le nom "Louchapates" - suivre le lien pour lire son histoire croustillante. J'ai reçu en 2000 sous le qualificatif de "filiformis" une plante très vigoureuse mais elle n'avait rien de la "chétive" forme type : je n'ai pas eu le choix que de la renommer, en l'occurrence "Filiform Giant", puisqu'il n'est pas utilisé.
  7. Un nom scientifique s'écrit traditionnellement en exergue c'est-à-dire que l'on souligne ou utilise l'italique mais que ce n'est pas une obligation d'après le Code International de Nomenclature - voir les liens vers les Sites de référence). Il est, par exemple, naturel de souligner en remplacement de l'italique par nécessité en écriture cursive, c'est-à-dire manuelle.
Une règle pleine de bon sens du français veut que les mots étrangers soient francisés, de manière à ne pas nous condamner à apprendre toutes les inflexions linguistiques étrangères. Ainsi il faut dire "des mafiosos" et non "des mafiosi", pourtant le pluriel en italien. Donc, nous devrions écrire "Les heterophyllas ont subi une mutation qui les privent de pigment rouge" et non "Les heterophylla ont subi..." car nous parlons en français et non en latin ! il ne s'agit pas d'un nom de genre invariable et avec majuscule mais d'un simple adjectif étranger, substantivé ici. Les Académiciens conseilleraient sans doute même "Les hétérophyllas" avec les accents correspondants à la prononciation mais il y a aussi la règle d'usage qui prime et s'il est obligatoire de mettre un "s" au pluriel (sauf s'il y en déjà un ou l'équivalent "z" et "x") ce n'est pas le cas pour l'ajout des accents...

Les accents n'ont jamais existé en latin vu que tous les "e" se prononcent "é". (Le Æ "AE collé" est une seule lettre, qui n'existe à ma connaissance que dans "cælacanthe".) Donc les noms scientifiques n'en comportent jamais. Ceci est impératif. "Droséra intermédia" et "Sarracénia flava" sont donc absolument incorrects. En revanche, un nom qui a été intégré au français doit néanmoins respecter les règles du français. C'est pour cela que l'on parle d'un "spaghetti" et non d'un "spaghetto", que "des scenarios" est parfaitement correct, etc. Bref, vous auriez donc théoriquement le droit de parler de vos népenthès ou de vos sarracénias (comme de vos pétunias) dans la mesure où il n'y a pas le choix. On devrait parler de ses rossolis plutôt que de ses droséras puisque le nom commun existe, lui - vous remarquerez qu'ici il ne s'agit plus du nom latin (sans accent) mais du nom intégré dans le français, un terme de jardinier et non plus de botaniste ;-).

Puisque vous avez tenu le choc jusque là c'est que vous vous intéressez au sujet aussi vous êtes peut-être étonné de voir partout dans ce site parler presque toujours des Dionées avec une majuscule. La raison est toute simple : en Sciences-Naturelles on écrit toujours ainsi le nom d'une plante ou d'un animal lorsque l'on parle dans l'absolu. Autrement dit, on écrit "La Dionée est une plante carnivore" mais "Ma dionée est morte"... Ce genre d'info est utile à savoir si vous écrivez un rapport, mémoire, etc.
Voici un petit correctif au Code International de Nomenclature de 1999, extrait du bulletin de juillet 2006 de la Société Française de Systématique N° 36 p 13 :

«Une autre proposition, d’ordre orthographique, a quant à elle été acceptée et indique que tous les noms d'épithètes spécifiques et infraspécifiques, même s'ils dérivent d’un nom de personne, d'un nom de genre ou d’un nom vernaculaire, devraient s'écrire avec une minuscule initiale. Cette proposition supprime ainsi du Code l'incitation implicite à continuer d'utiliser une capitale initiale pour certaines épithètes. Par exemple, il conviendra donc désormais de ne plus utiliser « Epipactis Muelleri Godfery », mais bien Epipactis muelleri Godfery.
Enfin, toujours dans le cadre des propositions orthographiques, l’utilisation d’un espace typographique entre le signe de multiplication « * », indicateur de la nature hybride du taxon, et le nom ou l’épithète concernée est autorisée, tout comme la substitution de ce signe, s'il est indisponible, par la lettre minuscule « x », à condition qu'elle ne soit pas composée en italique.»
Décodons un peu "le truc" :
  • D. Slakii ne passe plus ! C'est D. slakii maintenant, sans majuscule, bref plus d'exception en hommage à un botaniste. Cela veut dire en effet "Drosera de Slakius" autrement dit "de Slack", le botaniste spécialisé dans les carnivores. Idem avec Sarracenia rubra alabamensis, qui veut dire "de l'Alabama", et plus Alabamensis. Tout ça en italique évidemment...(J'avoue ne pas comprendre pourquoi la forme latine de "Slack" serait "slakius" plutôt que "slakus", le premier donnant effectivement "slakii" alors que le deuxième donnerait "slaki" au génitif, c'est-à-dire le complément de nom. Donc l'écriture "slaki" au lieu de "slakii" est fautive !)
  • Pour les hybrides, on peut toujours les écrire avec le signe de multiplication accolé, donc par exemple S. *readii, mais aussi maintenant avec un espace, comme S. * readii, et aussi avec la lettre "x" à la place MAIS elle ne doit pas être en italique ! Donc c'est bon pour S. x readii etS. xreadii (la lettre "x" n'est pas en italique, le reste oui !).
Pff...

Cela peut sembler prise de tête alors qu'en fait c'est surtout long à décrire. Tout cela est indispensable justement pour éviter les problèmes, j'espère vous en convaincre avec les exemples suivants :
  • Si vous écrivez Mimosa (nom scientifique en exergue) je sais immédiatement qu'il ne s'agit pas du mimosa, cet arbre bien connu à fleurs jaunes appelé aussi "robinier" qui n'a aucun rapport avec le genre Mimosa. La remarque serait la même avec Acacia (qui ne correspond pas à notre acacia habituel) et Geranium qui n'est pas celui de votre jardinière dont le vrai nom de genre est Pelargonium...
  • Si vous écrivez Sarracenia flava maxima, il s'agit de la variété sauvage, différente de Sarracenia flava 'Maxima', qui est une variété horticole de grande taille, sélectionnée parmi des hybrides de S. flava rugelii et S. flava forme type ! Le premier est tout vert alors que le second est une grande plante très marquée de rouge en particulier au niveau de l'attache. A mon sens, l'usage de ce nom pose un problème car le Code International de Nomenclature précise que l'on a le droit d'utiliser une variété sauvage comme un cultivar en lui appliquant la règle correspondante, c'est-à-dire justement Sarracenia flava 'Maxima' ! Ce clone risque donc d'être renommé un jour...
Vous imaginez immédiatement les conséquences ! Les vraies prises de têtes arrivent quand on ne respecte pas les conventions... Cherchez donc des photos de Sarracenia maxima vous verrez le souk !
Bon, là je crois vraiment que c'est exhaustif et même abusif ;-). Bah, je suis sûr que vous avez appris pleins de trucs ;-)).

Conclusion perso : je pense que j'ai mal orthographié à plusieurs reprises les espèces que j'ai évoquées dans ce blog lu dans le monde entier par des milliards de personnes et je me culpabilise.

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